Louis Pichouron fut dans les Côtes du Nord l'un des premiers résistants de la seconde guerre mondiale.
En juin 1940, devant la force destructrice de l'envahisseur, les Français étaient désemparés comme jamais ils ne l'avaient été auparavant. L'anéantissement de la France et de l'Europe était programmé par une idéologie qui ne respectait rien ! Les plus jeunes tentaient de rejoindre l'Angleterre. D'autres, comme Louis Pichouron de Plouguiel et François Boulard de Plougrescant, décidèrent de résister sur place. Un fait est démontré : ils n'acceptèrent jamais de baisser l'échine et savaient le prix qu'ils risquaient de payer. Pour beaucoup cela se termina devant un peloton d'exécution comme pour François Boulard ou une déportation abominable (dont beaucoup ne reviendront pas) comme Auguste Pichouron le frère de Louis. Louis Pichouron ne fut jamais arrèté. Pourtant durant trois années, il fut l'ennemi public N°1 poursuivi par la police de la collaboration et l'armée allemande.
Après la guerre, Louis Pichouron, avec l'aide d'un ami lettré, rédigera ses mémoires. Ce livre, intitulé «Mémoires d'un partisan breton» n'est pas un livre d'Histoire, mais un témoignage. Quelques passages présentent des inexactitudes par exemple quand il relate des évènements rapportés par autrui (enlèvement de Marcel Cachin et l'affaire de Creac'h Maout en Pleubian). En revanche, lorsqu'il parle de son vécu, il est d'une grande précision ! Ce livre nous permet de ne pas oublier le parcours d'un homme de conviction, au courage peu commun, pris dans les tourments de la guerre et du fanatisme nazi.
En juin 1940, la France avait subi la plus grande défaite de son histoire. Beaucoup de français se réfugièrent alors dans «l'illusion Pétain.»
Le 18 juin 1940, le général de Gaulle lançait son appel, mais, à cette époque, comme il le dira plus tard, son soutien résidait dans la population de l'île de Sein et d'une poignée de marins pour la plupart bretons... sans oublier les quelques gens de passage se trouvant en Angleterre. A cette période, une majorité de Français pensait que les prisonniers rentreraient bientôt et que la vie reprendrait comme avant...
Le 3 juillet 1940, les Anglais canonnaient la flotte française à Mers-El-Kébir tarissant pour longtemps le recrutement des volontaires qui s'apprétaient à rejoindre le général de Gaulle. La France était alors livrée à la collaboration, qui, en plus du déshonneur contribuait à son anéantissement.
Pour des hommes comme Louis Pichouron, militant communiste, l'espérance ne viendrait pas de Londres, mais de Magnitogorsk en Union Soviétique. Churchill, à la même époque, en créant le S.O.E (19-22 juillet 1940) déclarait «Et maintenant, mettez le feu à l'Europe ».(Spécial Opération Exécutive, équipes de commandos chargées de sabotages en France et en Europe occupée) Louis Pichouron n'apprit cette formule qu'en 1944 en conversant avec le commandant Smith et d'une manière édulcorée «Churchill avait décidé d'armer la Résistance, sans discrimination d'appartenance politique ».
Fin 1941 dans le Trégor et les Côtes du Nord, Louis ne désirait que cela : mettre le feu là où il le pourrait. Ce fut, par la force des choses, un long cheminement. On ne peut pas parler de combat, car à cette date, il était démuni de tout.
Rappelons qu'en juin 1940, le parti communiste était dissout et ses dirigeants pourchassés.
Louis Pichouron (dont la profession est marin de commerce) décide de sa propre initiative de rassembler les militants n'acceptant pas la répression qui s'abat sur eux. Dans les années 1940, 1941, 1942 il va montrer des capacités d'organisateur. De son action va naître dans les Côtes du Nord le Front National de la Libération de la France et, fin 1943, les F.T.P (Francs Tireurs et Partisans) sa branche armée.
Un vélo rouge pour arme. ( Mémoires d'un partisan breton Page 65)
« Le travail que j'allais entreprendre était immense, puisque la résistance restait à organiser dans la plus grande partie du département ; depuis Plouaret jusqu'à Dinan. D'autre part, je n'étais pas connu dans cette région, donc moins de danger d'être dénoncé par un traitre : alors, les conditions étaient réunies pour partir à ce que j'appelais la conquête du Sud.
Mais avant d'entreprendre cette tâche, je voulais me rendre à Lézardrieux pour avoir des nouvelles de mes enfants : nous étions rendus à la mi-mai et, par un matin ensoleillé, je sautai sur mon beau vélo qui avait été réquisitionné (volé) dans la gare de la Brohinière par les F.T.P. Le mien étant hors d'usage pour continuer la lutte, nous n'avions pas d'autres moyens pour nous en procurer, vu que les occupants faisaient main basse sur les vélos neufs !»
Louis Pichouron devra se séparer de ce vélo qui faillit même être la cause de son arrestation il réussit à se sortir de cette situation en brandissant son révolver « Je continuais à courir, révolver au poing, en semant la panique sur mon passage ».
A nouveau sans vélo, Louis poursuivit son chemin à pied, jusqu'au moment où il repéra devant un café, un splendide vélo appartenant à un soldat allemand. Sans autre forme de procès il l'emprunta. Cette fois il prit la précaution de le peindre en rouge comme il se doit.
C'est ce vélo qui fut son arme principale dans sa lutte contre l'occupant. Il lui permit en tous les cas de parcourir le département afin de récruter son armée de Francs Tireurs et Partisans.
Pour un Franc-Tireur qui combat sans uniforme, une seule sanction est prévue : l'exécution sommaire. Toutes les armées du monde l'appliquent. Les nazis montèrent d'un cran dans le domaine de l'horreur en instituant le système des otages. Désormais ils s'en prenaient aux civils. Après l'attentat de Nantes en 1941 marqué par l'éxécution d'un officier supérieur allemand, 50 otages furent fusillés à Chateaubriand.
Les difficultés du combat des partisans.
Louis était conscient des risques qu'il faisait encourir aux populations mais n'importe quel chef militaire était en face de ce dilemme dans une guerre sans front où l'occupant ne connaissait qu'une règle l'oppression.
(Page 159) « Un jour que j'étais de passage à Trégrom, je descendis chez M. et Mme Le Bihan, résistants exemplaires. Ils attirèrent mon attention sur le danger qui planait sur les habitants de Trégrom, mais ne me firent aucun reproche. Par contre, l'instituteur Le Jort, résistant lui aussi, m'interpella avec véhémence en des termes qui n'étaient pas tout à fait académiques.
Oui, me dit-il je me demande quel est le chef départemental qui donne des ordres aussi stupides. Les chefs F.T.P sont encore plus incapables que les officiers de Daladier. Avec tous ces déraillements sur le territoire de la commune, on va tous se faire massacrer ici. Oui, je me demande qui ? Eh bien , c'est moi...Le Jort resta stupéfait, car il avait beaucoup d'estime pour moi et demeura perplexe. J'en profitai pour lui expliquer que je n'étais pas seul à l'état-major départemental. Néanmoins, étant chargé des opérations militaires, j'étais le principal interessé dans cette affaire. J'ajoutais que de toute façon les déraillements se feraient toujours sur le territoire d'une commune ou d'une autre, bien entendu chaque commune souhaitant que les déraillements se fassent ailleurs ».
Louis avait également une haute idée de ce que devait être le soulèvement populaire et il était soucieux d'associer la population à l'action de la Résistance
«Mon pauvre Jojo (Georges Ollitrault), tu viens de commettre une bêtise monumentale en te mettant à dos la population.
Oui mais Alain, nous crevions de faim au maquis là-haut. Les gens du pays ne voulaient plus nous ravitailler...»
D'autre part Louis connaissait la faiblesse de ses FTP. Sans armement lourd ils étaient toujours en infériorité. Voici ce qu'il disait «Il n'est pas question, déclare Alain, de s'attaquer directement aux boches en rase campagne. Passé l'effet de surprise vous ne feriez pas le poids. Dites-vous bien que ce sont des guerriers expérimentés supérieurs en nombre et en armement. Pour le moment priorité aux sabotages. Les armes doivent servir à vous protéger durant les opérations contre les moyens de communications».
Le départ de la Horaine.
Une vedette des phares et balises de Lézardrieux traversa la Manche en novembre 1943 pour rejoindre les FFL. (Voir mon village à l'heure de la Résistance).
Organisée par les réseaux «Dahlia Turquoise», l'évasion de la Horaine le 22 novembre 1943 avait obtenu l'adhésion des FTPF de Louis Pichouron. Cette affaire préparée par André Le Bras ingénieur TPE de Lézardrieux, Jean Le Bihan TPE à Tréguier et Yvon Jézéquel de Lézardrieux avait vu une étroite coopération entre les réseaux du colonel Rémy, le F.N. de Jean Devienne et bien entendu des F.T.P.F de Louis Pichouron et cela, grâce à l'intermédiaire de son ami François Boulard de Plougrescant qui aida les réseaux «Dahlia Turquoise.»
Cette affaire montre combien les réseaux du colonel Rémy et les FTPF combattaient ensemble sans chercher à savoir qui était royaliste ou communiste. D'autre part, le beau frère de Louis, Amédée Le Guen par l'intermédiaire d'André Le Bras, alimentait les F.T.P en explosifs.
Une armée F.T.P dans les Côtes du nord
Fin mai 1944, Louis Pichouron avait rassemblé des milliers d'hommes. Bien entendu, il n'avait pas été le seul. D'autres que lui s'étaient investis dans cette tâche, tel Jean Devienne qui avait tenu à élargir le recrutement des FTP ceux-ci comptaient désormais parmi eux, non seulement des communistes, mais aussi beaucoup de Français désireux de chasser les envahisseurs hors de France.
(Un fait est certain : l'éclosion des maquis F.T.P. dans les Côtes du Nord résulte, pour une bonne part, des longues promenades de Louis dans le département). A cette époque, si d'autres organisations de la Résistance, comme l'Armée secrète, pensaient aux maquis, ces derniers n'existaient que sur le papier. Beaucoup d'officiers avaient bien franchi le pas, mais n'avaient guère de troupes dans les C.D.N.. Les réseaux de la Résistance avaient privilégié le renseignement et, par crainte des représailles, négligés l'implantation sur le terrain. Bien que peu armé, Louis Pichouron voulait harceler l'armée occupante dans des embuscades où, seuls comptaient l'effet de surprise et le décrochage obligatoire, (pas question de s'éterniser)
«Pas une semaine sans une attaque» disait-il, mais pas de gros maquis.
D'autre part, il semblerait que c'est lui qui possédait la clef des parachutages, pendant les premiers mois de 1944, puisqu'aucun ne s'est fait sans sa présence. Désiré Camus, une fois de plus, nous l'explique.
«Alain pour une fois détendu, m'explique brièvement l'astuce qu'il lui a fallu déployer depuis des mois pour obtenir ce parachutage comment il a pu, par l'intermédiaire d'un couple de commerçants du sud du département, entrer en relation avec un agent du Bureau des Opérations Aériennes et comment il a réussi à faire demander ce parachutage par un responsable de l'Organisation Civile et Militaire, (mouvement de résistance qui est en «odeur de sainteté» auprès des Gaullistes parce que constitué de gens bien pensants, encadrés par des officiers de réserve). Ces gens-là peuvent obtenir des armes à gogo alors que, n'ayant pas ou presque d'effectif sur le terrain, ils ne savent pas quoi en foutre et le stockent en attendant le jour J...»
Louis Pichouron, s'en trop s'en rendre compte peut-être, était devenu un chef de guerre écouté et respecté. Beaucoup d'initiatives furent prise à la suite de ses ordres. (Celà ne se fit pas sans susciter des jalousies...)
L'attaque de la prison de Lannion
«Début mai 1944 les chefs de maquis de la compagnie Tito furent prévenus qu'un certain nombre de résistants étaient enfermés dans la prison de Lannion parmi lesquels Yan (René Dissez), Jean Boujet et d'autres bien connus des maquisards. Aussitôt, le projet, d'attaquer la prison fut mis à l'ordre du jour. Menée de main de maitre, l'attaque fut une réussite !»
Ce détachement de l'armée des ombres était composé comme suit : Etienne, Charlot Moreau, Jojo, Gustave Broudic, fakir, Lagadec et Le Gall.
Les libérés étaient
Deux femmes Mlles Thomas Augustine et Marjo Eurali.
Dissez René (Yan) de Plouguiel, Richard Emile de Langoat. Jégou Louis de Tréguier. Perrot André de tréguier. Mme Le Gall née Kerdiles Philomène.»
D'autres blessés promis à la fusillade furent également extrait de l'hôpital avec succès.
Dans son livre Louis Pichouron décrit dans le détail son activité de chef de la Résistance F.T.P. dans les C.DN. Entre 1941 et 1944.
Le repli sur la Mayenne
«Début mai, venant de Paris, l'inter CO (Commissaire aux opérations) Maurice nous donna l'ordre de préparer les F.T.P des Côtes du Nord à un repli sur la Mayenne avec armes et munitions. Je transmis cet ordre aux chefs de secteur et aux chefs de maquis de tout le département. Ces derniers, se rendant compte du danger que comportait une telle entreprise, ne se montrèrent pas très chauds pour partir»
A cette occasion, Louis Pichouron révèla toute son autorité. Réalisant que ses combattants F.T.P se battaient pour la libération de leur coin et que sitôt celle-ci acquise, ils retourneraient dans leurs fermes ou dans leurs ateliers. Aller se battre en Mayenne était inconcevable pour eux ! Aussi ce projet incompréhensible fut-il abandonné.
Louis Pichouron rencontre les parachutistes du SAS.
Louis Pichouron, dans la Résistance depuis juin 1940, s'était débrouillé seul. De l'autre côté de la Manche, on l'ignorait totalement. A partir de juin 1944, il lui faudra composer avec les SAS et, peu à peu il devra s'effacer devant eux. Sa première rencontre avec un parachutiste à qui il annonce qu'il appartient à la Résistance se termine par cette réponse «Oh ! Mais alors je ne m'attendais pas à ça .En Angleterre, on nous disait qu'il n'y avait pas de résistants en Bretagne...» Les parachutistes, les uns après les autres, firent la même réponse. Visiblement en Angleterre on ignorait Louis Pichouron et ses F.T.P.
Le lieutenant Botella que Louis vient de rencontrer lui pose la question
«Il paraît que vous êtes le chef des groupes armés de la Résistance dans cette région ?
Oui, je suis le chef départemental F.T.P. Du Front National des Côtes du Nord.
Oh mais vous êtes un grand chef alors !.... A propos que veut dire F.T.P. ?
Cela veut dire Francs Tireurs et Partisans.
Etes-vous nombreux ?
Plus de deux mille hommes armés, dont environ 600 dans le maquis ; d'autre part nous avons organisé des réserves de 6000 hommes qui attendent des armes pour entrer en action. Mais ce n'est que depuis début mars de cette année, lorsque nous avons reçu trois parachutages, que la guérilla et les sabotages ont commencé sur une grande échelle.
Et le résultat ?
Eh bien, il est positif : au plastic nous avons fait dérailler un grand nombre de convoi de matériel de guerre ennemi, plusieurs ponts de chemin de fer détruits et la ligne Paris-Brest rendue inutilisable en permanence dans notre région.
En plus, toujours au plastic, à Saint-Brieuc des dégâts considérables ont été causés au dépôt de chemin de fer S.N.C.F. et une dizaine de locomotives mises hors d'usage, malgré la présence de l'ennemi. En outre nous avons tué un grand nombre d'allemands dans des embuscades sur les routes et des accrochages un peu partout.
Après m'avoir écouté, mon interlocuteur demeura à la fois déçu et incrédule. A cet instant je devinai sa pensée. Il était déçu parce que les F.T.P. avaient déjà fait le travail majeur pour lequel on les avait parachuté en Bretagne : la destruction des voies ferrées ! Et deuxièmement, avec le sentiment de sa supériorité, il ne comprenait pas comment le peuple lui-même avait pu s'organiser et organiser son armée sans le concours de la grande bourgeoisie bien pensante qui se trouvait pour l'essentiel dans le camp adverse.»
On voit la fracture idéologique qui séparait les deux hommes.
La prise en main de la Résistance et l'assimilation des F.T.P. dans ce qui deviendra les Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.) ne se firent pas sans grincement de dents. (Dans certaines régions, elle ne se fit pas du tout.) En Bretagne, les F.F.I. et les F.T.P. gardèrent leurs états-majors respectifs. De ce fait Yves Le Hégarat se trouvait placé dans une position inconfortable puisqu'il était issu du F.N. et des F.T.P.F. Heureusement pour lui, il fut à la hauteur des évènements, n'étant pas communiste, il considérait ne dépendre que de l'état-major des FFI. Cette attitude fut perçue comme un lâchage pour certains qui voulurent le destituer, mais le colonel Eon le confirma dans son poste. (Mme Le Hégarat détenait le «trésor de guerre» des F.F.I quatre millions de francs transmis par le colonel Eon à Kerien début août 1944).
La disgrâce (Page 260)
Dans son livre «On nous appelait des terroristes» Désiré Camus décrit l'état d'esprit de Louis Pichouron lorsqu'il comprend que la maîtrise des évènements va lui échapper.
«Qu'est ce qui t'arrive Alain ? (Louis Pichouron) ça n'a pas l'air d'aller ! » Ma question a jailli dès qu'il a posé son vélo contre le talus et s'est assis sur un tronc d'arbre à côté de Pierrot, il a l'air abattu et son regard, d'habitude si déterminé, même au moment de la plus grande fatigue physique, exprime la tristesse et le désarroi : «Non, ça ne va pas du tout. On va me mettre sur la touche ; pour Andrieux cela est déjà fait, je ne suis plus votre chef... fini, liquidé ! »
Dans «Mémoire d'un partisan breton», c'est Louis Pichouron lui-même qui s'explique.
«Après ce nouveau coup du sort, je me retirai dans mon gourbi pour méditer là, assis sur un banc j'avais commencé par récapituler mon activité dans la résistance depuis 1940. Je revis en imagination les premiers groupes de résistants que j'avais dirigés et mon travail d'organisation et de lutte armée contre l'ennemi sur le plan départemental.
Je revis également les membres de ma famille, ainsi que mes camarades massacrés ou déportés, sans nouvelles de mes enfants, et sans nouvelles de ma femme qui avait été arrêtée par l'ennemi. Et pour finir, maintenant que la libération était toute proche, on voulait me traiter en proscrit. Mais je n'étais pas dupe, car je me rendais compte que les coups qui m'étaient portés provenaient de différentes directions ; il y en avait beaucoup pour qui Alain était gênant, parce qu'il en savait trop long, et sa disparition aurait tellement bien arrangé les choses ! Parmi ces derniers, il y avait un négociant qui, tout en appartenant à trois organisations de la résistance, trouvait le moyen de faire du marché noir avec l'ennemi, par wagons entiers».
D'après Yves Mervin, ( «joli mois de mai» p 228) le fameux négociant s'appelait Mathurin Branchoux et faisait partie de l'Armée Secrète dans la région de Guingamp (C'était l'un des organisateurs du maquis de Coat Mallouen ). Il avait fait l'objet d'une tentative d'élimination de la part des F.T.P. et n'avait dû son salut qu'à l'intervention de Georges Ollitrault. Cela pesa lourd dans le destin de Louis Pichouron qui portera le chapeau de l'affaire ! (Devienne avait donné l'ordre d'exécution, mais Branchoux accusa Pichouron). Yves Le Hégarat (Marceau) sera nommé comme responsable des F.F.I., car il était l'homme acceptable par tous et surtout officier de réserve ! (Aucun autre membre du F.N ne l'était).
Nous avons là, une illustration des rivalités inexpugnables qui existaient entre les différentes formations de la résistance et des réglements de comptes internes de chacune d'entre elles.
Ce fut une période dangereuse où, à chaque instant pouvait surgir l'étincelle de la guerre civile.
Une tête de Breton.
Louis Pichouron, durant ces trois années avait démontré une détermination et un courage à toute épreuve. Il s'entêta donc.
«Le rôle des chefs départementaux F.T.P. n'était pas terminé pour autant».
«Changeant encore une fois de nom, c'est sous l'appelation de capitaine Denis que je lançai un ordre de mobilisation aux F.T.P. de Plougrescant, Penvenan et Plouguiel. Cet ordre leur fut transmis par le capitaine Fassier, de Plougrescant.
Ils marchèrent de nuit et, un beau matin, arrivèrent sur la lande de Peumerit-Quintin. C'étaient en majorité des marins de commerce et de la pêche, dont plusieurs étaient en sabots, comme au temps des chouans». Très vite Louis Pichouron se retrouva à la tête de la compagnie de réserve «Kellerman».
Les évènements lui offriront quand même à Kerien l'opportunité et sans doute la satisfaction, de participer à une action qui mettra un terme à la lutte pour la Libération de la Bretagne entamée quatre années auparavant, et cela, au milieu de ceux qu'il avait formé, en compagnie de Le Hégarat, du colonel Passy chef du B.C.R.A et d'un officier supérieur américain. (Mémoire d'un partisan breton p 273).
Le général Bradley à juste raison craignait qu'en Bretagne les communistes à travers les F.T.P.F, ne prennent le pouvoir. Le général Koenig avait dû s'engager personnellement pour rassurer le général américain, ce qui expliquait la présence de Passy en Bretagne (Ce dernier, emminence grise du général de Gaulle, d'habitude restait à Londres) et la nomination du colonel Eon comme chef des F.F.I des départements Bretons. Louis avait-il été informé d'une telle suspicion ? A cette époque, il n'était plus dans la confidence de l'état-major FTPF désormais dirigé par le colonel Courtois (Marcel Hamon).
A le lire on a plutôt le sentiment que cette présence est un honneur et non une défiance !
L'important fut surtout que le colonel Courtois ralliera le colonel Eon évitant ainsi les affres d'un affrontement entre les F.T.P.F et la résistance gaulliste. La grande oeuvre de cette résistance enfin réunie aura été de permettre une avancée fulgurante des troupes américaines en Bretagne et d'avoir évité des affrontements sanglants entre Bretons. Tout ceci avait été rendu possible grâce au général de Gaulle devenu désormais le rassembleur des Français.
Louis Pichouron termine son chapitre «Mais avec la percée des Américains à Avranches, les événements se précipitèrent et le rôle de cet état-major fut limité».
Patton avait surtout été rassuré sur le comportement des F.T.P. et les plus jeunes d'entre eux iront accomplir leur devoir devant la poche de Lorient avec un armement dérisoire.
Un militant fidèle.
Les lauriers de la victoire ne furent pas pour lui,
A la fin de la guerre, les félicitations de Charles Tillon devenu ministre, lui mirent du baume au cœur et le consolèrent des «couleuvres» qu'il avait du avaler, et des humiliations qu'il avait connu dans les derniers mois de la Résistance.
Après 1945 Louis Pichouron restera malgré tout un fidèle militant, comme il l'était déjà en 1939, mais on n'entendit plus parler de lui.
Pourtant ce grand résistant n'avait pas à rougir de son action et avait largement mérité une légion d'honneur que d'autres avaient obtenue, certes pour leurs mérites, mais aussi un peu grâce à son action durant les quatre années terribles de la guerre.
Si Louis Pichouron est très rapidement tombé dans l'oubli après la guerre, le plus bel hommage qui lui soit donné vient de lui ëtre rendu dans le livre d'Yves Mervin.
En effet page 477 de ce livre, nous pouvons lire :
«On peut déceler, avec Louis Pichouron, organisateur de la résistance communiste des Côtes du Nord, un communisme de guerre intelligent, acceptant la contradiction, travaillant dans la durée et respectueux de la vie humaine...»